jeudi 15 mars 2012

LE BON VIEUX TEMPS, au TEMPS D ALYETTE . 2/2/1950

Comme en écho au mauvais Crozes Hermitage de ce matin, que je n'ai pu finir, et ai remplacé avantageusement par un DIONYSOS 2009 de "chez moi", je tombe cet aprem, où le soleil brille très fort en ce 15 mars 2012, sur une lettre qui me laisse songeur, à la fois sur la notion de progrès, depuis 1949, et la vie en général.

C'est une lettre écrite par ALYETTE de LAREINTY, propriétaire de Mattes de 1914 à sa mort, en 1954. La voici.

Datée du 2/2/1950, à Hyeres, sa destination, adressée à Madeleine ARNOULD.

Le 20 janvier...nous sommes arrivés à Auxerre à 2 H (sans doute partant de Paris), où, au Restaurant du Cerf Volant , nous avons fait un excellent déjeuner. Labeur (le régisseur mais aussi chauffeur) gras, moi maigre. Neige dans les champs, verglas sur les bas côtes de la route, mais route libre (la N6 ndlr).

Parvenions vers 5H1/2 à Beaune ou d'un commun accord, nous decidions de coucher à l'hôtel de la Poste tenus par des connaissances à Jules (son frère, ndlr). Un apéritif à la Bourguignonne, vin blanc, cassis (officiels) et je suppose une mixture supplémentaire, offert par Mme Chevillon nous fit trouver la vie en rose. Et un dîner, fin : escargots, et un pigeon truffé, pommes chypre (ou chips ?) agrémentés d'un Volnay 1937, d'un excellent café, et d'une fine, trouvèrent moyen de nous convaincre que le lit était merveilleux pour nous remettre d'une journée extrêmement froide et fatigante.

21 Janvier.
Malheureusement "Kikelé" (la voiture) malgré une couverture dans le capot n'était pas de notre avis, ayant dû subir - 8° degré dans son garage. Aussi le jour de notre départ, l'huile étant encore celle d'une saison plus propice, elle se refusait à partir.
Tant bien que mal, en la poussant, elle fut remisée dans la chaufferie (chauffage central) de l'hotel, Labeur étant convaincu qu'elle démarrerait ensuite. Ce n'était pas mon avis, mais à quoi bon discuter avec un homme convaincu dont le bras ne permettait pas de manoeuvrer la manivelle à outrance.
Donc laissant "Kikelé" se réchauffer, nous voici allant à l'Hospice pour le visiter. Mais la gardienne avait passé une mauvaise nuit. Impossible de visiter malgré ce qu'on nous avait dit à l'hotel avant 9H45. Nous avons visité les trois cours, puis nous sommes revenus à Kikelé. Elle refusait toujours de démarrer. Appel au garagiste servant l'hôtel. Obligation de faire une vidange d'hiver. Démarrage a 1OH45. Mais quelle envolée alors. Je tenais le volant. Labeur soupconnait bien que j'avais une idée de derrière la tête, mais ne disait rien. A 13H45 j'arrêtais (ndlr, soit 3 heures de Beaune a Vienne, ce qui est la vitesse actuelle sans bouchon. J'avais atteint le but que je désirais . Je voulais tant connaître une fois dans ma vie, Le Restaurant Pyramide Point à Vienne.
Je crois pouvoir dire que je n'ai jamais aussi bien mangé de mon existence. Menu a prix fixe 2 (sans doute 2000 franc 1949, soit l'équivalent de 50 €).
Hors d'oeuvres :
Oreiller de la Belle Aurore (pâté en croûte avec (illisible) carrés de gelée, inoubliable.
Ramequins au fromage
Foie gras aux truffes brioché
Crevettes vinaigrette
Huitres gratinées au champagne.
Plats
Saumon brisé avec truffes, champignons sauce creme
Epinards à la creme - champignons
Poulet grillé, à la sauce béarnaise et à la diable, pommes paille, pommes paysanne, à la crème
Fromages divers
Pâtisseries de toutes sortes,
le tout relevé a souhait donnant envie de dejeuner, vins, etc.
Bu 1/2 vin blanc de la région, Condrieux, et 1 bouteille de rouge, Hermitage. Café cona, et framboise. Apr-es ce dejeuner, dans un cadre adéquat, Labeur médusé m'a menée de main de maître avec le sourire en Avignon où nous arrrivions à 7H30.
Des camions, des camions et encore des camions venaient en sens inverse, la nuit venue. De gueerre lasse, craignant de me voir fracassée, tant ils passaient près de nous, j'ai fini par dire " a dieu va" pour ne pas reprendre le volant et j'ai dormi. L'un et l'autre, nous étions fourbus en arrivant. Descendu à l'hôtel de l'Europe : des gangsters comme prix. N"y retournerai plus jamais. Appris depuis qu'il faut descendre au Crillon. 
22/01, dimanche. Pour ne pas aller à un garage inconnu, avions laissé "Kikelé" bien couverte dans la cour de l'Hotel, de crainte de la voir mécontente. Sans se préoccuper d'elle, dès 9H1/2, étions au Palais des Papes, pas de messe avant 10H1/2. Visite du Palais à 10H. Ai parcouru le jardin, après avoir dit une prière auprès de la creche (magnifiques santons habillés de velours, satin, et soie) de l'Eglise. Retour à l'hôtel, démarrage sans histoire vers 11H30. Déjeuner à AIX vers 2H. J'avais encore mon idée : Restaurant Vendome, Extra pour 500 francs (équivalent de 12 €). Des paquets. Pieds de moutons à la Marseillaise. Départ vers 15H30. Un boc à la Roquebrussanne (petit village entre St Maximin et Hyeres, ndlr), devant un concours de boules. A Hyeres à 17H, ou nous avons été recus avec des cris de joie. Temps féérique, printanier, qui vous fait retirer tricot, manteau. Bavardage.
....

Le 4 (février 1950), il y aura 50 ans que le Père Labeur et notre Labeur national font partie de la famille. Aussi, Andrée s'acharne t'elle à faire des vers, avec les pieds voulus, pr célébrer cet évènement à notre arrivée à Mattes.
D'après Andrée, je suivrais les traces de Mallarmé et de Paul Valéry, que je n'ai jamais goûtés :
"A Monsieur Ernest Labeur"
Votre nom, Cher Labeur ! déjà tout un programme
Vous fut donné un jour sous le ciel de Sigean
Cinquante ans après, sous les mêmes platanes,
Retentit le rire clair de vos petits enfants,
D'une génération courageuse et tenace,
vous avez la valeur et tout le dévouement
Les ans passent sur vous sans laisser de traces
Cher Labeur au beau nom, vous défiez le temps.
Votre fidélité à la terre de Mattes
est le témoignage émouvant qui touche la dernière de la race,
Alyette Baillardel de Lareinty Tholozan..

(      ).

Puisque rien ne change il faut bien  que tout recommence toujours....

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